Automobile Awards : dans les coulisses d’un vote

C’est un lieu où il est de bon ton de venir cravaté, souliers Berlutti ou Weston – selon son portefeuille – bien cirés. L’élégance et le savoir-être, rassurent dans ce cénacle chargé d’histoire, où l’on échange à mots feutrés et où les murs décorés d’affiches de circuits et compétitons automobile, respirent les années dorées de la mobilité thermique. Bienvenue à l’Automobile Club de France (ACF), garant d’une certaine tradition. Et puisqu’il est question de tradition, comment chaque mois d’octobre, ne pas se réjouir de voir le jury des Automobile Awards (AA), profiter de l’accueil chaleureux et bienveillant de l’Automobile Club de France et de Yann de Pontbriand son Président. Avec une vue imprenable sur la Place de la Concorde.

50 candidats à départager

Nous étions donc une quinzaine, conviés à débroussailler les premières intentions de vote des AA. Au programme, une vingtaine de prix à décerner. Toutes catégories explorées, sauf le trophée de la Voiture de l’Année, réservé au grand public, invité à voter jusqu’au 31 octobre sur le site des Automobile Awards. Avec cette année, 28 autos pour une seul gagnant.  

Sur la ligne de départ des autres prix, plus de cinquante constructeurs et équipementiers se disputent les trophées. Des récompenses d’importance, puisque plusieurs chefs de presse n’ont pas hésité à nous sonder pour connaître notre sensibilité de juré, appelé à naviguer entre Dacia et Rolls-Royce, Mercedes et Fiat. Et désormais appelé à apprivoiser les mastodontes chinois, venus en force défendre les couleurs de leurs productions essentiellement électrifiées : MG avec son séduisant cabriolet Cyberster, XPeng qui vise l’excellence, et BYD qui n’a de cesse présenter de nouveaux modèles. Une hégémonie en gestation…

Restait à faire tri et à débattre avec comme voisine directe de table, à ma gauche Catherine Leroy, la dynamique Directrice des Editions du Journal de l’Automobile (JDA). Cette publication fait référence chez les professionnels du secteur. À ma droite Cédric Fréour (100 Bornes), zébulon à idées. Et aussi Anne-Marie Baezner, la Directrice à succès du désormais incontournable Salon de Lyon, qui se tient tous les deux ans (prochaine édition en 2027). Autres figures du jury, Jean-Luc Moreau l’homme aux idées tranchées et assumées qui fait le bonheur de Sud Radio le samedi matin de 10 à 12 heures. Margot Laffite était excusée, partie à Austin voir Max Verstappen enrhumer les McLaren. Et comment ne pas citer parmi les présents, Nicolas Meunier l’un des rares essayeurs au cursus digne d’un ingénieur automobile (expertise qu’il partage avec Yves Maroselli du Point), qui officie à Challenges.

Le processus de vote se veut transparent… / Erik Bielderman

Margot Laffite était excusée, partie à Austin voir Max Verstappen enrhumer les McLaren

À l’heure du carpaccio de daurade il fut question de mesurer les ressorts du départ de Luca de Meo de chez Renault et de la non nomination de Denis Le Vot, alors patron de Dacia, et un instant favori pour succéder au patron italien parti tutoyer le luxe chez Kering. À table se murmurait que l’Etat actionnaire, aurait influé sur le choix de François Provost. 

Il fut aussi question du plan de circulation sur la place de la Concorde, pensé par les caciques de la Mairie de Paris et de la dysharmonie visuelle ainsi proposée. Puis vint l’heure du jarret de veau confit… et à l’heure de saluer l’excellence de la table d’apprendre que la brigade de cuisine de l’ACF venait de remporter le titre de champion du monde des traiteurs 2025. Applaudissements. « Nourris », bien évidemment.

Il était temps de passer à la revue des prix 2025. Avec le devoir d’être éclectique, de faire parler le jugement technique sans négliger la fibre émotionnelle. En faisant, selon l’intitulé des prix alterner, sentiments et poussées de rigueur. Il fut aussi rappelé aux jurés par Lionel Robert, le grand ordonnateur des Automobile Awards, que l’an passé le grand public avait plébiscité la Renault 5. Mais ce vote appartenant aux amateurs éclairés, très vite nous fumes amenés à passer au salon pour visionner les catégories et débattre du potentiel de chaque candidate, hors « voiture de l’année ». 

Une question de feeling

Forcément lorsque l’on essaye des autos, on vibre plus pour certains constructeurs que d’autres. Question de feeling (j’aime les berlines, moins les SUV), d’histoire familiale (mon père roulait en Simca, donc je suis tranquille de ce côté), de relations humaines (on a tous nos chef(fe)s de presse préféré(e)s), ou tout simplement mû par des pensées objectives. Si ! Si ! On y arrive… On a toutefois le droit d’être plus sensible au thermique, ou à l’électrique (je suis un fervent défenseur de l’hybridation simple). On peut aussi voter raison ou passion (si on parle anciennes, c’est passion). Libre à chacun de s’autoriser à accompagner le mouvement, qui veut que depuis une paire d’année Renault souffle le chaud et Stellantis le frais. On peut aussi à contrario se sentir l’âme décalée, en voulant faire émerger les promesses de constructeurs égarés sur des chemins de traverse et venant au repentir. Trois heures studieuses et rieuses à louer, à éliminer, à vanter et à essayer de convaincre les autres membres du jury. La foi, ou la mauvaise foi chevillée au cœur. Oui oui au cœur. Détournement d’expression.

Pas question de voter le ventre vide… / DR

Pas question de voter à main levée. Un huissier veille et les votes doivent être consignés par écrit. Ce sera fait en décalé, à tête non influencée à la maison. Et au moment d’envoyer ses bulletins, de mesurer que l’on a une fois de plus fait preuve d’éclectisme avec des constructeurs français, allemands, japonais et chinois, placés tout en haut de notre grille de vote. Tout en sachant que d’ici la remise officielle des trophées le 18 décembre prochain, toujours au siège de l’Automobile Club de France, d’autres essais, d’autres rencontres, d’autres lectures, d’autres retours d’expériences, auront encombré notre cerveau et noircis les pages de nos calepins pour déjà préparer les votes 2026. En se disant qu’on risque fort à l’heure du palmarès dévoilé, avoir zappé pour qui on a voté. Voire de râler pour un prix attribué à une auto pour qu’on avait sélectionnée.  « Mais qui voté pour cette voiture ? » Ben moi… Ainsi vont les affres et les humeurs d’un essayeur, d’un juré, d’un curieux, d’un passionné.

Erik Bielderman

Après une quinzaine de saisons à essayer des autos pour L’Équipe et pour L’Équipe Magazine, vient l’envie de conter les coulisses du petit monde des essayeurs. Allez ! Je vous embarque avec moi sur un essai constructeur comme si vous y étiez.

Étiquetté :