Il y a des autos qu’on essaye à la chaîne, et d’autres qu’on dont on n’a pas envie de rendre les clés. Le nouveau coupé Honda Prelude appartient à cette dernière catégorie. Ni la plus puissante, ni la plus rapide, ni même la moins chère, la plus pratique ou encore la mieux équipée, cette petite GT parvient malgré tout à incarner ce qui se rapproche de la perfection automobile. Pourtant, sur le papier, elle pourrait presque décevoir, avec sa chaîne de traction hybride que l’on n’associe pas instinctivement avec le plaisir de conduire. Mais greffez ce moteur dans un châssis bardé d’éléments issus de la Civic Type R et vous obtenez cette Prelude qui n’a définitivement rien à envier à ses glorieuses aïeules, avec qui elle partage d’ailleurs plus qu’un nom.
Le retour d’un mythe
Votre serviteur a possédé deux Honda Prelude, de deuxième et troisième génération. Donc autant vous le dire tout de suite : après 25 ans d’absence, le retour du coupé japonais était vraiment attendu. Eh bien… zéro déception. Ce coupé mythique ne joue pas la carte de la nostalgie tapageuse, ni celle du sport à outrance, mais reste fidèle à ce qu’a toujours été la Prelude : une petite GT confortable et innovante, conjuguant plaisir de conduire et longs voyages. Certes, les blocs à double carburateur ou VTEC des dernières itérations ont disparu. La nouvelle Prelude 2.0 e:HEV, hybride et avant tout rationnelle, incarne un rare mélange de tradition et de modernité. À contre-courant d’un marché saturé de SUV, elle rappelle que le plaisir automobile ne réside pas forcément dans les chiffres, mais dans la justesse des sensations.
Un style entre nostalgie et modernité
Un habitacle sérieux, sans ostentation
À bord, la filiation avec la Civic saute aux yeux : même architecture de planche de bord, même instrumentation numérique de 10,2 pouces et écran tactile central de 9 pouces. Mais Honda a soigné les détails pour différencier sa nouvelle venue. Le nom « Prelude » est brodé dans les appuie-tête et floqué sur la planche de bord, elle même ceinturée par une bande en suédine. Les sièges, plus enveloppants, peuvent être commandés dans une teinte bi-ton blanc et bleu ; une option tarifée à seulement 200 €, mais uniquement proposée avec les peintures bleue et blanche.
La finition ne rivalise pas avec les meilleures premium, mais les assemblages sont solides et l’ambiance, sérieuse. On apprécie surtout la présence de vraies commandes physiques : des molettes pour la climatisation, des boutons clairs pour les aides à la conduite. La connectivité Apple CarPlay et Android Auto compense l’interface GPS un peu datée. Pour être honnête, le format 4:3 un peu vieillot de l’écran central fait un peu chiche.
À l’arrière, l’espace reste symbolique : la Prelude est une 2+2, autrement dit une fausse quatre-places où seuls des enfants trouveront assez de place pour voyager. L’accès est étroit, la garde au toit insuffisante au-delà d’1,75 m. En revanche, le coffre affiche un volume de 264 litres, avec un large hayon et une banquette rabattable : de quoi envisager sereinement de partir en vacances en duo.
Sous le capot : l’hybride plutôt que la foudre
Là où les nostalgiques espèreraient un rugissant quatre-cylindres VTEC, Honda assume une motorisation hybride e:HEV identique à celle de la Civic. On y trouve un 4 cylindres atmosphérique de 2,0 litres à cycle Atkinson, délivrant 143 ch à 6 000 tr/min, associé à un moteur électrique de 184 ch (315 Nm). L’ensemble ne développe pas de puissance cumulée supérieure : c’est le moteur électrique qui assure la traction quasi permanente. Le thermique ne s’embraye que ponctuellement, à vitesse stabilisée, pour soutenir la mécanique ou recharger la batterie.
Ce choix technique, loin de flatter les amateurs de mécaniques exotiques, s’inscrit dans une logique écologique et fiscale : 117 g/km de CO₂, donc 240 € de malus écologique (en 2026). À l’heure où chaque gramme de CO₂ coûte cher, ce pragmatisme fait sens.
En revanche, les performances restent modestes pour un coupé à 50 000 € : 0 à 100 km/h en 8,2 s, vitesse maximale approchant tout juste 180 km/h… Et la sonorité du moteur, amplifiée par les haut-parleurs en mode Sport, reste discrète.
Le S+ Shift : la fausse boîte qui change tout
Pour redonner un peu de tempérament à cet ensemble hybride, Honda introduit une nouveauté : le mode S+ Shift. Ce programme simule une boîte automatique à huit rapports via les palettes au volant. Le conducteur perçoit ainsi de légers à-coups à chaque passage de rapport, et un rétrogradage réaliste avec un petit coup de gaz pour simuler un talon-pointe avec une montée en régime du moteur. Le compte-tours s’anime, un rapport virtuel s’affiche à l’écran : en fait, on se prend au jeu et on y croit.
La Civic hybride simulait déjà quelques transitions pour éviter l’effet « mobylette » des hybrides Toyota, mais la Prelude pousse l’illusion plus loin. Sur route, le dispositif ne rend pas la voiture plus rapide, mais il renforce considérablement le lien mécanique entre le conducteur et la machine. Le résultat est convaincant, presque ludique : on se surprend à jouer des palettes en descente de col pour maintenir le régime ou provoquer une légère rotation du châssis. Et justement, parlant de châssis…
Un châssis de sportive, une âme d’équilibriste
C’est bien sur cet item là que la Prelude renverse toutes les attentes. Car sous ses airs de coupé sage, elle cache un pedigree de sportive : trains roulants, freins Brembo et géométrie de suspension directement issus de la Civic Type R. Train avant à pivot découplé, essieu arrière multibras, amortisseurs pilotés : le tout a été finement recalibré pour offrir un équilibre idéal entre confort et efficacité.
Dès les premiers kilomètres sur les routes sinueuses de l’arrière-pays niçois, l’évidence saute aux yeux : la Prelude ne se contente pas de bien tenir la route, elle invite à conduire. L’auto encaisse les bosses sans jamais laisser envisager un mouvement de caisse inopportun, plonge vers le point de corde avec la précision d’un compas, et accepte volontiers de pivoter au lâcher de gaz. Les amateurs de châssis vivants, vifs même, y retrouveront des sensations rappelant les meilleures sportives Peugeot ou Renault des années 90.
La direction, directe et consistante, s’adapte sur trois modes : Confort, GT et Sport. Un peu comme sur une Alpine A110, la bande qui marque le point zéro du volant sert presque de viseur. On pointe la trajectoire, l’auto s’exécute. Point. L’amortissement suit le même schéma, avec une souplesse agréable en ville et une rigueur parfaite sur route. En mode Sport, la Prelude se cale sur ses appuis, sans raideur excessive. À la limite, elle glisse des quatre roues dans une progressivité réjouissante, sans jamais tomber dans le sous-virage. Pour tout vous dire : il y avait bien longtemps qu’on n’avait pas eu la sensation de pouvoir refermer un virage à l’infini sans pour autant faire agoniser les pneus ou sentir l’arrière se dérober. Les vitesses de passage en courbe dont se montre capable la Prelude sont tout simplement impressionnantes. Certes, elle ne propose plus 4 roues directrices — le dispositif 4WS qu’elle a inauguré avec la 3è génération —, mais elle les remplace avantageusement par du torque vectoring et du micro-freinage sur les roues arrière pour engager l’auto dans les courbes comme un yoyo enroule le fil sur son axe.
Là où la plupart des sportives modernes impressionnent par la brutalité de leur accélération, la Prelude séduit par son homogénéité. Avec moins de 1 500 kg sur la balance, elle reste légère pour une hybride. Pour une voiture actuelle, en fait. Ses pneus Continental Premium Contact 6, loin d’être les meilleurs pour une conduite à rythme soutenu, assurent pourtant une accroche et une constance exemplaires. Même en descente de col, le freinage demeure franc, sans perte de mordant ni sensation spongieuse.
On comprend alors la philosophie de Honda : proposer une voiture à sensations humaines, pas un engin de performance brute. Dans un monde où les SUV électriques tutoient les 1 000 ch dans des concours de bistouquettes sans intérêt pour le quotidien et qui épuisent conducteur et passagers au bout de 3 minutes, la Prelude revient comme une bouffée d’air frais : une voiture à taille humaine, pour conducteurs qui aiment conduire longtemps et tendent à fuir les autoroutes pour préférer les itinéraires bis.
Et si sa mécanique pourtant « sage » sur le papier sait malgré tout fournir des sensations, elle sait aussi se montrer endurante. Après un après-midi de roulage soutenu, la consommation s’établit à moins de 9 l/100 km. Un chiffre très raisonnable. En usage quotidien, il est tout à fait possible de rester sous les 5 l/100 km, profitant d’un quatre-cylindres souvent coupé et de transitions d’énergie imperceptibles.
Vie à bord et confort : l’art du compromis
La position de conduite, basse et enveloppante, contribue à l’ambiance coupé. Pour la petite histoire, sachez que les sièges conducteur et passager sont légèrement différents : plus enveloppant pour le conducteur qui pourra ainsi se lâcher un peu lorsqu’il route solo, un peu plus large et confortable pour le passager.
Le système hybride permet également une récupération d’énergie ajustable sur sept niveaux via les palettes : du mode roue libre jusqu’à une décélération appuyée (-0,2 g). Pas de véritable conduite « one pedal », mais la possibilité de mémoriser son niveau de frein moteur préféré sur certains mode de conduite.
Tarif, équipement et concurrence
Face à elle, la concurrence est quasi inexistante. La BMW 220i Coupé (184 ch) débute à 52 250 €, avec un malus de plus de 2 000 €. La Toyota GR86 et l’Audi TT ont tiré leur révérence, l’Alpine A110 joue dans une autre cour (plus de 65 000 € et 252 ch), et la Toyota Supra s’apprête elle aussi à disparaître. À ce prix, la Prelude devient donc le dernier coupé hybride abordable du marché, un produit presque unique.
Son malus symbolique (240 €) la place dans une position enviable. Honda France ne prévoit cependant d’en vendre que moins de 500 exemplaires par an. Un objectif finalement très en ligne avec ce que faisaient ses aïeules.
Un retour réussi, mais pas parfait non plus
Difficile de ne pas saluer la cohérence du projet. Honda n’a pas cherché à faire une Type R bis, ni un gadget nostalgique, mais une voiture d’initié, pensée pour le plaisir de conduite au quotidien. La Prelude se veut fidèle à l’esprit des années 90 : un coupé à la fois rationnel et émotionnel, capable de séduire les passionnés sans les ruiner ni les effrayer.
Son seul vrai défaut est d’ordre mécanique : le moteur hybride, aussi efficient soit-il, manquera un poil de charisme pour qui voudrait pouvoir aller plus loin. On se prend à rêver qu’en plus d’éléments de châssis et de trains roulant, le 2.0 turbo de la Type R soit installé sous son capot. La Prelude deviendrait alors, sans doute, une référence absolue. Mais il faudrait composer avec un malus rédhibitoire. Saleté de fiscalité française…
Verdict : un grand OUI !, pour la beauté du geste
La nouvelle Honda Prelude n’est pas une sportive pure et dure. C’est une voiture d’amateur éclairé, un hommage discret à une époque où la passion se mesurait en sensations, pas en kilowatts. Elle démontre qu’on peut encore créer un coupé élégant, efficace, agréable à conduire et fiscalement raisonnable. En 2025, c’est presque un acte de résistance. Et pour cela, elle mérite qu’on s’y attarde. Qu’on s’y attache aussi, d’ailleurs. Merci, Honda.
Photos : Honda
Les clés de la Honda Prelude (2025) | |
Dimensions (Lxlxh) | 4,53x1,88x1,35 m. |
Masse à vide (modèle essayé) | 1 473 kg |
Énergie | Hybride Essence et Électricité |
Moteur(s) | 4 cyl. 2.0 L + électrique |
Puissance maxi (cululée, modèle essayé) | 184 ch / 137 kW |
Couple maxi | 315 Nm |
Transmission | Traction |
Boite de vitesse | non (8 vitesses simulées) |
Capacité Réservoir/Batterie | nc. L / 1,05 kWh |
Conso mixte (WLTP) | 5,2 L /100 km |
Prix d'accès à la gamme (au lancement) | 49 990 € |





